Comment la responsabilité sociale de l’entreprise se déploie-t-elle au travers des stratégies de l’organisation ? Il faut d’abord savoir qu’il existe en vérité deux grands types de stratégie, comme nous le rappelle Françoise Quairel-Lanoizelée.
On a d’une part des stratégies dîtes hors business et d’autre part des stratégies qui sont intégrées aux métiers de l’entreprise.
Stratégies de RSE hors business
Les stratégies hors business se rattachent à des visions philanthropiques de la responsabilité sociale telle qu’elle s’est développée au début notamment aux États-Unis et dans de nombreux pays. Cette stratégie est indépendante du métier de l’entreprise. Ce type de stratégie RSE se déploie sur des activités d’éducation, de santé, de protection de l’environnement et elle se trouve au travers de fondations.
On a par exemple La Fondation GDF Suez qui favorise l’enfance et la jeunesse, les énergies solidaires ou encore la biodiversité des villes. Autre exemple avec la RSE de TF1 présidée par Arnaud Bosom qui s’engage contre les discriminations LGBT ou encore le changement climatique.
Cependant, ce type de RSE ne modifie en rien les pratiques globales de l’entreprise, elle est même parfois contradictoire avec ses pratiques globales.
Stratégies RSE intégrées aux métiers de l’entreprise
D’un autre côté on a les stratégies RSE intégrées aux activités de l’entreprise.
Des réticences souvent rencontrées
Il faut préciser que très souvent, les dirigeants dénoncent la RSE en disant que ça n’est pas du tout leur métier de prendre en charge le développement durable, les objectifs environnementaux et sociaux et que c’est le travail des pouvoirs publics qui doivent mettre des régulations pour diminuer les externalités négatives. Ils ajoutent qu’ils ont au mieux à respecter la loi. C’est souvent le discours des PME mais on peut noter également que l’on a des stratégies d’évitement ou de manipulation parce que les dirigeants vont essayer de s’implanter dans des pays moins disant socialement ou environnementalement au niveau de la régulation. Ou ils vont tout simplement faire du lobbying pour diminuer l’aspect contraignant de cette régulation comme c’est le cas par exemple des industriels du tabac lors des négociations au niveau du Parlement Européen de la directive anti-tabac.
Ces réticences s’inscrivent dans la logique de l’entreprise capitaliste qui recherche le profit et donc on va voir des stratégies d’intégration de développement durable se faire en mobilisant ce qu’on appelle le business case c’est-à-dire l’ensemble des arguments qui va convaincre qu’il y a convergence entre la RSE et la profitabilité de l’entreprise, et donc ce qui est bon pour la planète est bon pour l’entreprise. Ce business case développe l’idée qu’à partir des pressions et des contraintes qui ont lieu dans l’environnement de l’entreprise, cette dernière va développer des réponses, des stratégies de réponse qui sont une réduction de ses consommations d’énergie, des innovations produits ou des changements dans son management. Cela aura un double impact : un impact sur le développement durable et un impact sur sa profitabilité en réduisant ses coûts, en améliorant son image ou en réduisant ses risques. Tout cela améliorera sa compétitivité et sa rentabilité. De fait, ce business case est fondamental, il est incontournable pour développer au sein de l’entreprise, pour convaincre les dirigeants qu’il faut volontairement adopter des stratégies de développement durable. On ne peut s’en passer dans la plupart des entreprises.
Stratégies d’intégration
Les stratégies de développement durable et de responsabilité sociale qui sont développées au sein des entreprises s’inscrivent dans un continuum entre des actions ponctuelles et symboliques et des actions plus globales. Les actions symboliques, on les nomme souvent « green washing » parce qu’elles consistent, dans le discours publicitaire notamment, à être plus vert, plus durable mais sans changement notable dans les activités. C’est par exemple ce que dénonce l’ONG « les amis de la Terre » en ayant instauré le prix Pinocchio qui peut montrer l’hypocrisie qu’il peut y avoir entre le discours, les pratiques ponctuelles et la réalité de l’activité de l’entreprise. Ces pratiques ponctuelles peuvent être non contradictoires mais véritablement marginales comme c’est le cas chez Total qui annonce son engagement dans les énergies renouvelables par 500 millions d’investissements moyens annuels mais qui engage 26 500 millions dans la production et l’exploration pétrolières.
Les produits verts et l’ensemble des stratégies développées par les entreprises concernent très souvent la conception et les conditions de production des produits. Ils sont des innovations en matière de produits éco-conçus, en matière d’économie circulaire et de produits recyclables. Comme ils répondent à des demandes de certains consommateurs, ils nécessitent des labels et l’on constate la prolifération des labels qui consistent à créer des produits au fond de l’innovation correspondant à une demande.
Toutefois, la responsabilité sociale va plus loin, elle doit toucher tous les domaines des fonctions de l’activité de l’entreprise. C’est ce que décrit la norme ISO 26 000 en définissant sept domaines clés allant de la gouvernance des droits de l’homme au développement local.
En conclusion, on voit que la RSE n’est pas un long fleuve tranquille, c’est véritablement une progression, une amélioration continue. Pour la développer il faut beaucoup de conviction. Le business case contribue effectivement à emporter la conviction d’un certain nombre de dirigeants mais ce sont quand même les pressions des acteurs de la société civile et la régulation qui finalement emportent la finalité de la responsabilité sociale de l’entreprise et de ses stratégies.
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